Pour un monde plus juste et en meilleur santé !

Bernard Branger, médecin, de retour du port de Rumonge au Burundi.

2017-JANV-BUR-BB-MJT-Poste santé RUMONGE_BB_web.jpgEn janvier dernier, Bernard Branger, médecin bénévole, se rendait au Burundi en compagnie de Marie-Jeanne Trehin-Olivier, également bénévole pour ESSENTIEL, afin de témoigner des réalisations de la SWAA, notre partenaire depuis 2013 sur un projet de santé à destination des pêcheurs et mareyeuses* du Lac Tanganyika.

Photo : Bernard Branger aux côtés de Charlotte, Infirmière au Poste de Santé de Rumonge

Nous l’avons interviewé pour mieux comprendre son engagement aux côtés d’ESSENTIEL et recueillir ses impressions de retour du terrain.

Bonjour Bernard, quel est ton parcours professionnel ?

Je suis pédiatre de formation avec des compléments en santé publique et en épidémiologie. J’ai exercé au CHU Nantes, au CH St Nazaire en maternité et néonatologie, puis au CHU de Rennes. Mes dix dernières années, j’ai été médecin coordinateur du réseau de périnatalité des maternités des Pays de la Loire.
J’ai effectué plusieurs missions à l’étranger : 18 mois en Tunisie, 4 ans en Algérie, et des missions plus ponctuelles en Mauritanie, Burkina-Faso, Palestine, et, avec ESSENTIEL, en Guinée et au Burundi.
Mes axes de travail sont dirigés vers les soins aux enfants en particulier les plus vulnérables, les femmes enceintes et les nouveau-nés, ainsi que l’épidémiologie, la mise en place de recommandations, et l’évaluation des actions de santé

Comment as-tu connu ESSENTIEL? Et depuis quand y es-tu actif ?

C’est Jacques Denis, également bénévole à ESSENTIEL que j’avais connu comme cardiologue au CH St Nazaire qui m’a demandé de venir participer, et d‘adhérer à l’association. J’y ai vu une opportunité de continuer mes engagements vis-à-vis des enfants ou des populations vulnérables, et de l’évaluation des actions de santé, dans un cadre issu du milieu mutualiste.

Quelle forme prend ton engagement au sein d’ESSENTIEL?

Au sein d’ESSENTIEL, je me suis engagé comme bénévole dans la commission « Santé ». Y sont évoqués les projets en cours en Guinée (Santé Pour tous), au Burundi (avec le poste de santé de Rumonge à destination des pêcheurs et mareyeuses) ou les perspectives de partenariat au Burkina-Faso (autour de la prise en charge de la santé maternelle et infantile). La contribution d’un bénévole est d’aider à la définition des problèmes de santé dans les projets et de proposer des actions et des évaluations à réaliser pour suivre l’efficacité des programmes.

Comment tes compétences sont-elles mises en en valeur à ESSENTIEL, que penses-tu apporter à l’association?

Pour la Guinée, la mise en place avec Jacques Denis d’une amélioration de la qualité des soins a permis un abord nouveau pour l’efficacité des centres de santé. D’autre part, l’évaluation des activités des consultations a été réalisée à partir des attestations de soins remplies par les soignants à chaque acte de soins pour les mutualistes.

Pour le Burundi, la description du fonctionnement et des activités du poste de santé du port de RUMONGE a été réalisée à partir de mon expérience d’évaluation des activités de soins.

Quelles valeurs partages-tu avec ESSENTIEL?

La spécificité d’ESSENTIEL est pour moi de favoriser l’accès aux soins pour les plus démunis, avec la mise en place de mutuelles et l’absence de paiement pour les soins courants. De plus, la solidarité vis-à-vis des plus démunis dans le monde, et la citoyenneté sont des valeurs importantes.

2017-JANV-BUR-BB-MJT-Port RUMONGE (56)-web

Le centre de santé (en arrière plan), sur le port de pêche de Rumonge, au bord du lac Tanganyika 

Tu viens de revenir de mission du Burundi, comment l’as-tu vécu, après une première mission en Guinée l’année dernière ?

Le Burundi est un pays parmi les plus pauvres au même titre que la Guinée. On y trouve des revenus très bas et une absence d’épargne dans les familles. Les soins y sont le plus souvent payants (même ceux aux femmes enceintes et aux enfants), et reposent donc une solidarité au sein de la famille. La nécessité de mutuelles paraît évidente pour éviter de faire l’avance des frais. Mais cela nécessite une cotisation à verser pour toute la famille avant d’être malade ; avec des difficultés de recouvrement des cotisations.

Au Burundi, la mission concernait les risques de contamination par le sida sur le port de Rumonge. Le dépistage est largement fait, et la prise en charge des malades dépistés possible grâce aux programmes internationaux (comme le Fonds mondial pour le sida, la tuberculose et le paludisme). Cependant, la prévention des contaminations nécessite des changements de comportements qui sont toujours difficiles à obtenir.

Dans mon domaine concernant la période infantile, la natalité reste toujours forte et les mortalités infantiles et juvéno-infantiles diminuent très peu au fil des années. La malnutrition, et les infections (dont le sida et le paludisme) sont les responsables de cette stagnation. S’il existe des moyens curatifs dans les centres de santé et les hôpitaux, c’est l’accès aux soins qui reste le gros problème en raison des coûts demandés et des problèmes de transport.

Par ailleurs, j’ai été frappé par le nombre d’ONG étrangères qui sillonnent les villes et les campagnes en Guinée et au Burundi. Elles sont certes nécessaires mais reflètent la dépendance de ces deux pays à l’aide étrangère. De plus, elles emploient des médecins qui organisent des soins (mais ne soignent pas), et la concurrence entre ONG a pour résultat de faire monter les salaires des médecins, très éloignés des salaires dans le système public (où l’on soigne).

Quelles sont les plus-values des missions de terrain de ce type pour le projet, les bénéficiaires et pour toi en tant que bénévole ?

Au fil des missions, la connaissance des populations africaines et la compréhension des mécanismes d’accès aux soins et des modalités de soins m’ont aidé à mieux comprendre les enjeux de la santé. Je trouve que la connaissance des indicateurs de santé qui permettent de comprendre les enjeux des soins et de la santé est très faible.
Dans ces conditions d’ignorance par la population -et par les décideurs eux-mêmes- une politique de santé ne peut pas être très efficace. Le développement des recueils de données de santé et son analyse devraient être améliorés pour permettre des actions de santé plus ciblées.

* une mareyeuse est une vendeuse de poissons et de produits de la mer.