Le développement des mutuelles de santé communautaires en Afrique de l’ouest reste à la peine. Les obstacles à ce développement sont connus même si leur poids peut varier d’un pays à l’autre : manque d’engagement des politiques sanitaires, faiblesse de la représentativité des structures mutualistes à l’échelon local ou national, outils de gestion inadaptés, population à très bas revenu, établissements de soins réfractaires au tiers payant, circuit du médicament déficient, mauvaise qualité des soins…
Ce dernier paramètre revêt une importance capitale dès lors que l’on institue un système de santé ou la gratuité n’est pas de mise, le patient est aussi un « client » avec l’exigence de recevoir une prestation à la hauteur de son investissement. Or, malheureusement, souvent le compte n’y est pas, du moins du point de vue de l’usager. La frustration génère dépit, manque de confiance et conduit immanquablement à renoncer au principe de la cotisation à la mutuelle.
Mais comment définir la qualité des soins et comment l’améliorer?
Ce concept ne peut se définir que dans un contexte socio-économique donné et son approche diffère selon l’intéressé : l’usager, le prestataire de soins, le gestionnaire de la santé. L’usager aura tendance à prioriser la qualité de la relation humaine tandis que le prestataire aura des exigences d’ordre matérielle, le gestionnaire sera préoccupé par le suivi des objectifs, le rapport coût efficacité… La qualité des soins regroupe donc un ensemble de paramètres dont l’importance respective est susceptible de varier en fonction du contexte.
L’expérience d’ESSENTIEL en Guinée a montré qu’il était possible de réunir professionnels de santé et usagers afin d’avoir une définition consensuelle de la qualité des soins. Il apparaît que celle-ci pouvait être aisément regroupées dans 3 catégories : la qualité des ressources humaines, la qualité des ressources matérielles, la qualité de l’environnement organisationnel. A partir de cette définition comment s’engager dans une démarche d’amélioration de la qualité des soins ?
L’amélioration de la qualité des soins, kézako ?
Il y a une vaste littérature sur le sujet et de nombreuses théories : Des expériences rapportées, des méthodes proposées (notamment par les ONG américaines) dont la complexité est proportionnelle à l’ampleur des sujets traités. Toutefois, les principes de base restent identiques : évaluer son niveau de performance, analyser l’origine des dysfonctionnements, proposer et réaliser des actions correctrices, évaluer le résultat. Les établissements de soins des pays du nord sont habitués à cette démarche, elle n’est pas forcément simple dès lors qu’on entend modifier des habitudes. Son succès repose sur l’existence d’un trépied : un référentiel de toutes les composantes de la qualité, une carotte et un bâton.
L’autoévaluation de son niveau de performance n’a réellement d’intérêt que si elle peut se référer à des standards propres au contexte local. Malheureusement il ne semble pas exister de tels référentiels de qualité adaptés aux services de santé dans la plupart des pays africains. La tendance à l’autosatisfaction étant une aptitude universelle, grande est la tentation de considérer que tout va bien et qu’on ne peut pas faire mieux.
Si l’expérience guinéenne d’ESSENTIEL a montré qu’un centre de santé dynamique et volontaire avait la capacité de s’engager dans cette démarche, nous savons que parier sur la bonne volonté n’est pas tenable dans le temps. Aussi, les pays du nord ont-ils inventé la carotte et le bâton. La carotte étant pour l’essentiel la perspective de ne pas recevoir le bâton. Quelles pourraient être les mesures incitatives à une telle démarche dans les pays africains ? La réponse relève probablement du politique. Il semble par contre difficile d’y adjoindre des mesures de contraintes lesquelles seraient certainement contreproductives sur le plan sanitaire.
L’amélioration de la qualité des soins (AQS) passe certes par l’augmentation des ressources, mais pas uniquement. En dépit de la précarité des moyens, notre expérience a montré que dans des domaines aussi sensibles, aux yeux des usagers que : la relation soignant-soigné, l’accueil, l’hygiène, il existait des marges de progrès indéniables et cela à moyens constants. Cette expérience a également montré que la prise de conscience par les usagers des efforts entrepris par un centre de santé pour améliorer certaines prestations à leur bénéfice ne pouvait que contribuer à renforcer un lien de confiance si d’aventure il était émoussé.
Comment peut se situer l’action d’ESSENTIEL sur ce thème dont on comprend l’importance mais aussi la complexité ? Il faut sans doute admettre que nous n’en sommes qu’au stade de « la sensibilisation ». Nous savons que les médecins-conseils des mutuelles s’approprient aisément la méthodologie de la démarche. Appuyés par les autorités sanitaires locales, ils ont certainement vocation à initier des dynamiques avec des centres pilotes pour créer, par exemple des référentiels de qualité adaptés au contexte, pour trouver la carotte locale qui incitera les professionnels à s’engager.
C’est là un des objectifs de la prochaine mission d’ESSENTIEL au Bénin dans le cadre de son projet d’ « accès à la santé : Appui technique et institutionnel au mouvement mutualiste ».
Jacques Denis, bénévole d’ESSENTIEL