Le partenariat vu du Sud

Le Docteur Abdoulaye Sow est le Directeur de Fraternité Médicale Guinée (FMG www.ong-fmg.org). Il a écrit pour la Revue Pratiques* N° 46, un article relatant la création de FMG et les valeurs qui y sont toujours défendues.

En 1987, un groupe d’étudiants de Conakry décide de créer une association « savante » à vocation humanitaire. C’est la naissance du cercle scientifique de la Faculté de médecine de Conakry.

Cette association composée d’étudiants de toutes les promotions se donne pour objectif de venir en aide à leurs pairs pour acquérir d’autres connaissances que celles données par la Faculté. Il s’agit de mettre sur pied, au sein de la Faculté, des conférences débats, des concours scientifiques, de diffuser des communiqués de presse, d’établir des contacts avec les autorités… Parallèlement, ces étudiants se mettent au service de la population en organisant des campagnes de sensibilisation, des séances de vaccinations de masse, etc. Les pionniers soutiennent leurs thèses et effectuent des stages dans les hôpitaux nationaux, des vacations dans les cliniques privées…, avec des engagements qui sont confortés en 1994 à l’occasion d’une épidémie de choléra. L’épidémie se déploie sur tout le territoire, mais particulièrement à Conakry avec une forte mortalité dans les quartiers pauvres et enclavés. La dynamique d’entraide du départ est relancée avec des médecins qui sortent de la Faculté. Coïncidence heureuse ou malheureuse, à la même époque, ces jeunes médecins sont révoltés de leur situation dans les hôpitaux nationaux où ils sont mal reconnus socialement (pas de salaires, aucune responsabilité dans la gestion des services, mais des jours de gardes et de permanences qui se succèdent). Neuf d’entre eux décident de s’extraire de leur situation de chômeur ou plutôt de « travailleur sans salaire, ni reconnaissance ». Ils créent ainsi leur amicale de médecins qu’ils baptisent « Fraternité Médicale Guinée » (FMG). La vocation de départ ne change pas, mais se professionnalise avec comme objectif : apporter une assistance médico-sociale aux personnes en détresse, où qu’elles se trouvent, et leur redonner espoir.

De la clandestinité à la reconnaissance.
Très tôt appréciée par la population et les institutions internationales, FMG mettra un an pour être reconnue par les autorités administratives et quatre ans contre vents et marrés par les Autorités sanitaires. Elle dispensait déjà, dans la « clandestinité », des soins dans deux centres de santé qu’elle a créés avec les cotisations de ses membres qui travaillent bénévolement dans les quartiers, en mettant leurs compétences au service de la population. FMG gagne la sympathie de MSF Belgique. Finalement, mis devant le fait de la reconnaissance de la population des quartiers desservis, de la pression des institutions internationales (OMS, Union européenne) et des ONG (MSF Belgique), le ministère de la Santé signe avec FMG la première convention tant attendue et l’autorise à délivrer à la population des soins qu’elle recevait déjà avec satisfaction…

Pas d’humanitaire au sud, sans se préoccuper du développement…
Au Sud où le seuil de pauvreté est supérieur à 40 % dans plusieurs pays, toute démarche à visée humanitaire devrait être assortie d’une ferme volonté de développement, ce qui suppose des choix pertinents. C’est en cela que FMG s’attelle aujourd’hui. A son actif, quatre services de santé de premier échelon, dix préfectures et cinq communes urbaines couvertes par ses actions : santé mentale, prise en charge médicale et psychosociale des groupes vulnérables (PVVIH, enfants de rues, professionnels du sexe, malades tuberculeux…), lutte contre les mutilations génitales féminines, appui à l’offre de soins dans le développement des mutuelles de santé, formation et encadrement des étudiants…, avec 60 salariés, une vingtaine de bénévoles et une équipe de direction à l’avant-garde. C’est ce qui fait aussi que FMG, sollicitée par pratiquement toutes les ONG du Nord impliquées dans le champ de la santé, les oblige de fait, à des relations partenariales fondées sur le respect réciproque, en référence à des valeurs affichées et se traduisant par du « donnant donnant », un concept qui n’a rien de péjoratif ici, mais qui, au contraire, donne tout son sens à la solidarité et à l’humanitaire.