Bonjour Jean Claude, pouvez-vous vous présenter et nous dire ce qui a motivé votre engagement pour ESSENTIEL ?
Infirmier de profession, j’exerce en milieu hospitalier depuis 35 ans, j’occupe actuellement un poste de cadre supérieur d’un Pôle clinique au CH de Saint-Nazaire.
En qualité de professionnel de santé, je suis interpellé par l’accès aux soins pour tous. En France c’est une réalité pour nos concitoyens , même s’ il y a toujours des populations pour lesquelles c’est plus difficile. En Afrique ,j’ai pu constater depuis une trentaine d’années que l’accès aux soins reste un luxe qui n’est pas accessible à tous. Le contexte économique, les résistances sociologiques et culturelles et l’éloignement des centres de santé sont des facteurs limitant l’accès des populations aux soins de santé.
J’ai trouvé au sein d’ESSENTIEL des professionnels et des bénévoles qui accompagnent des projets de développement en cohérence avec mes aspirations.
Vous revenez d’une mission de 15 jours au Bénin, dans le cadre du projet Accès à la Santé au Bénin : Appui technique pour un accès aux soins des populations du secteur informel, quel a été votre rôle ?
Dans le cadre de cette mission, au sein du trio composé d’un professionnel d’ESSENTIEL et d’un médecin bénévole, j’ai pu apporter mes compétences d’infirmier mais aussi en conduite de projet. Nous avons travaillé à l’amélioration de la qualité des soins dans des centres de santé. Les démarches d’amélioration de la qualité des soins ont une dimension internationale. Depuis 20-25 ans en Europe elle sont installées dans le secteur de la santé.
Elles consistent à évaluer nos pratiques de soins (en terme d’hygiène, d’accueil des usagers, d’information, de résultats…) puis d’étudier les possibilités d’évolution de celles-ci en formulant un plan d’action réaliste, en cohérence avec les moyens dont dispose le centre de santé.
Pour beaucoup de professionnels en Afrique comme en Europe, l’amélioration de la qualité est associée à plus de moyens humains, techniques, consommables…etc.
Or certaines pratiques de soins(en terme d’asepsie, de tri des déchets…) sont connues mais non appliquées, de même certaines attitudes à l’égard des usagers méritent d’être interrogées. Pour autant ce travail ne nécessite pas de gros moyens, mais une volonté partagée des professionnels et de la hiérarchie afin de remédier à ces usages.
Ce message est néanmoins difficile à intégrer pour des structures de soin qui sont souvent assez démunies.
Quelle est la plus-value pour la population, les mutualistes et pour le personnel de santé de cette démarche d’Amélioration de la Qualité des Soins ?
La démarche d’amélioration qualité associe les usagers à l’évaluation des pratiques de soin, pour celles relevant de leurs compétences. En effet, les usagers sont en capacité d’exprimer leurs griefs, de faire des commentaires dans certains domaines : la qualité de l’accueil, la confidentialité, l’attitude des professionnels, l’information qui leur est donnée…
Historiquement, les centres de santé sont cogérés par les populations et les professionnels de santé dans le cadre des COGEST (comités de gestion), plus récemment le ministère de la santé au Bénin a mis en place des plateformes des usagers des services de santé (PUSS). Les représentants des PUSS recueillent l’avis des usagers et s’en font leur porte-parole auprès des responsables des centres de santé, des hôpitaux et des autorités de santé.
Il s’agit donc de renforcer l’implication des usagers et la relation clients/prestataires de soin afin de faire évoluer les pratiques de soin.
C’est une démarche gagnant/gagnant pour les 2 parties :
- les professionnels s’inscrivent dans une démarche qualité et manifestent aux usagers leur volonté de modifier leurs pratiques
- les usagers peuvent faire entendre leurs attentes en terme de qualité des soins
Ce dispositif peut permettre de (re)trouver une confiance entre usagers et professionnels, favorisant ainsi le recours aux centres de santé et par conséquent améliorant la fréquentation des centres. La population sera d’autant plus encline à adhérer à une mutuelle si le centre de santé dont elle dépend est reconnu pour la qualité des soins dispensés.
Quels sont les prérequis nécessaires à la réussite de cette démarche ?
La démarche nécessite le soutien des autorités de santé, Médecins chefs des Centres, ils ont été partie prenante à notre action. Nous avons pu également associer les usagers, enfin les professionnels sont acteurs du changement, ils proposent collectivement des axes d’amélioration dans leur centre de santé. Ce dernier prérequis n’a pu être appliqué tel quel du fait de l’éloignement entre les centres de santé concernés.
Dans un premier temps nous n’avons retenu qu’une seule fiche action par centre de santé, afin de familiariser les professionnels à la démarche.
Les fiches retenues portent sur les thèmes suivants : le tri des déchets, la fréquentation des centres de santé.
Quel rôle joue l’infirmier conseil dans celle-ci ?
C’est effectivement l’infirmier conseil qui est chargé de finaliser les fiches avec les professionnels, de les présenter au médecin chef et d’assurer le suivi opérationnel sur le terrain des actions prévues.
Son rôle est majeur, nous avons beaucoup échangé avec lui pour qu’il s’approprie la démarche. Sa connaissance du terrain nous a permis d’adapter la démarche et la méthode de travail à la réalité locale.
L’infirmier conseil est notre interlocuteur local sur ce sujet, nous restons en contact avec lui pour l’accompagner.
Quels sont les résultats escomptés de cette démarche d’Amélioration de la Qualité des Soins sur le moyen et long terme ?
Nous espérons que la démarche initiée se poursuive et s’ancre dans les pratiques des centres de santé, comme c’est déjà le cas dans certains hôpitaux au Bénin. L’enjeu principal est certainement une fréquentation plus importante et une plus grande confiance accordée aux centres de santé par la population.
La mise en place des projets retenus va nécessiter également un accompagnement financier, certainement modeste, mais il nous apparaît qu’une aide ponctuelle peut être valorisante et incitative pour les centres qui s’engagent dans la démarche qualité.
Et maintenant, suite à cette mission, quelles sont les grandes étapes à venir ?
Il nous faut maintenant garder le contact avec l’infirmier conseil et assurer à distance le suivi des projets, une autre mission est prévue au printemps 2019, elle aura pour objet de faire le bilan des actions entreprises et d’engager de nouvelles actions.
L’amélioration de la qualité des soins est une démarche continue, c’est un travail de longue haleine…
Jean-Claude Guerin, le 09/12/18