Le projet de « Médecine de famille en Guinée »

Une mutuelle de santé doit garantir un accès aux soins à ses adhérents et pour cela disposer des services de médecins et d’infirmiers privés et/ou de centres et postes de santé publics. Mais comment concilier une offre de soins de qualité, une bonne gestion des mutuelles indispensable à leur développement et un mode d’exercice qui permettent aux soignants des conditions de travail et de vie décentes ? De cette réflexion, confrontée à l’expérience de Santé sud au Mali et à Madagascar est née l’idée de travailler sur le concept de « médecine de famille en Guinée ».

L’idée retenue est que les médecins de famille guinéens du XXIème siècle :
  • puissent exercer leur métier et en vivre,
  • délivrent des soins à toute la population, notamment aux populations rurales,
  • acceptent et développent un mode exercice prenant en compte le soin, mais aussi la prévention, la dimension communautaire,
  • s’engagent à une pratique médicale de qualité supposant un savoir (formation initiale et continue), un savoir faire (réponses adaptées aux besoins et aux moyens), un savoir être (qualité de l’accueil, respect des malades, écoute…)
  • s’inscrivent dans une démarche partenariale avec les mutuelles de santé, quand elles existent.

Pour définir cette notion succinctement par la négative : il ne faut pas que la seule perspective des médecins guinéens soit un exercice limité à Conakry, de statut précaire, avec une pratique isolée, de faible impact sur l’état de santé de la population, sans lien significatif avec les besoins. La plupart des expériences menées dans le secteur privé montrent que les médecins ne sont jamais seuls ; leur mode d’exercice s’inscrit au sein d’une structure regroupant des compétences complémentaires (techniciens de laboratoire, infirmières, sages-femmes), d’autres employés complètent le dispositif. Ces compétences représentent des professionnels de santé exerçant la médecine de famille.

En préalable trois conditions sont indispensables pour y parvenir :

1. la volonté partagée par le Ministère de la santé publique et le Gouvernement guinéens et leurs soutiens à un tel projet,
2. l’association des médecins guinéens au processus, tant au niveau de la conception que de la réalisation, en privilégiant une démarche « volontaire » pour les projets pilotes retenus,
3. l’appui des partenaires au développement et la mobilisation de moyens pour en permettre la réalisation.

Potentialités existantes.

Sur le plan d’une expérience pilote à définir des potentialités sont pressenties avec :

  • les projets et les réalisations déjà menés, entre autres, par SPLS, par « Fraternité Médicale Guinée » (FMG)…
  • la volonté affichée des Doyens des facultés de médecine de Conakry et de Nantes à s’engager dans un projet d’accompagnement professionnel des médecins de famille « candidats » (programme d’apprentissage/compagnonnage) à partir du projet professionnel du médecin de famille propre à la GUINEE (formation continue). Cette volonté se retrouve dans la volonté de développement d’une formation initiale en réponse aux besoins prioritaires de la population et dans l’intention de travailler en partenariat avec les autres acteurs (Nantes-Guinée, SPLS, FMG…) sur le concept de médecine de famille (par exemple, les médecins des centres de FMG et de SPLS pourraient être des maîtres de stage pour les étudiants de dernière année de médecine),
  • l’existence de mutuelles de santé permettant un accès aux soins et par là même offrant un débouché professionnel aux médecins,
  • des communautés partenaires : le médecin de famille doit participer au programme de développement de la communauté, c’est-à-dire oeuvrer à sa mise en œuvre et encourager les initiatives porteuses (système de solidarité sous toutes ses formes, avec par exemple les mutuelles).

De plus, la mobilisation de formateurs de l’Université de Laval et de Sherbrooke déjà intervenus dans le contexte de l’évaluation externe de la faculté de médecine de Conakry (mission CIDMEF/OMS, nov.-05) permettrait un apport d’expertise dans l’élaboration des curricula relatifs aux compétences attendues du futur médecin de famille en réponse aux problèmes de santé en GUINEE.

Il pourrait paraître paradoxal de vouloir concrétiser avant d’avoir adopté une définition commune, mais le partenariat mis en place, sur les îles de Loos, entre « Nantes-Guinée », SPLS et la MUSIL doit pouvoir constituer une expérience pilote qui va dans le sens de l’idée de « médecin de famille » et qui mérite, à ce titre, d’être prise en compte dans le cadre d’une démarche de recherche-action.

La mutuelle (Musil), appuyée par « Nantes-Guinée » permet un accès aux soins pour les mutualistes dans le cadre d’une démarche participative fondée sur les valeurs de solidarité et elle offre un outil de travail aux professionnels de santé de SPLS (par délégation du service public). A la responsabilité économique (après sensibilisation à la gestion) du médecin de SPLS détaché, s’ajoute son rôle à jouer (avec d’autres) dans la définition de la notion de médecine de famille en harmonie avec sa pratique.

Avancée du projet, perspectives de travail …
Depuis juin 2006, un groupe de travail s’est constitué à Conakry, avec le Dr Le Vigouroux, le Pr Moussa Koulibaly, Doyen de la faculté de médecine, le Dr Sow de FMG et le Dr Sauyers de SPLS, en lien avec le Dr Coutant à Nantes.

Le concept de « médecine de famille » a pu être précisé et l’étape suivante sera la tenue d’un séminaire national à Conakry réunissant étudiants en médecine, jeunes diplômés en voie d’insertion, autres professionnels de santé (sages-femmes, infirmières), organismes de formation, représentants des usagers, leaders d’opinion… Il s’agira de partager les expériences en cours et d’échanger des informations pour faire un état des lieux de la médecine de famille, de mener une réflexion concernant le projet de promotion de la médecine de famille en Guinée au XXIème siècle, de voir comment aider à l’insertion professionnelle des futurs professionnels de la médecine de famille en tenant compte des déséquilibres zone urbaine / zone rurale, de voir comment intégrer l’approche santé dans les projets de développement à l’échelon local…

Parallèlement les acteurs impliqués dans le projet vont travailler à la définition de profils professionnels souhaités pour la pratique de la médecine de famille, dans des domaines qui relèvent directement de leurs compétences et qui correspondent aux réalités du terrain en GUINEE ; par exemple l’hygiène des locaux, la qualité de l’accueil, la compétence des agents de santé, les référentiels utilisés pour les diagnostics et les traitements, l’usage des examens complémentaires, la bonne gestion de la pharmacie, l’organisation du suivi des malades, la définition et la réalisation de programmes de prévention, la mise en place d’une formation continue adaptée (échanges de pratiques…), les connaissances et les compétences à avoir pour une bonne gestion…

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S’il était indispensable de rappeler ci-dessus les trois conditions préalables à remplir pour amorcer un travail sur un projet de médecin de famille en Guinée (volonté des autorités guinéennes, participation des médecins guinéens, appui et obtention de moyens), son développement suppose encore l’adhésion et la participation d’autres acteurs partageant les mêmes objectifs tout comme la découverte de réalisations similaires menées ailleurs.

A la notion de démarche participative de la population en santé communautaire, il faudra demain associer la démarche participative des soignants en médecine de famille.

Les acteurs à l’initiative du projet :
Le Docteur Alain Le Vigouroux (Ministère Français des Affaires Etrangères) est Conseiller du gouvernement en santé publique, chargé des questions de gestion et formation des ressources humaines en santé. A ce titre, il participe à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi du plan de développement des personnels médicaux et paramédicaux, à la poursuite de la réforme du contenu pédagogique des enseignements, afin qu’ils soient mieux adaptés aux nécessités du pays, ainsi qu’à la restructuration pédagogique de la FMPOS (Faculté) en consolidant les appuis des partenaires hospitalo-universitaires en cours (CHU de Nantes, Rennes et Toulouse).

Le Docteur Daniel Coutant, Président de « Nantes-Guinée », a eu en particulier une expérience de médecin de centre de santé expérimental à St Nazaire puis de réseau de santé et de médecin généraliste enseignant à la Faculté de médecine de Nantes, avant d’être chargé de mission en prévention et promotion de la santé à Mutuelle Atlantique à Nantes. L’Association « Nantes-Guinée » est composée de la Mutualité de Loire Atlantique, de Mutuelle Atlantique et du Comité central d’entreprise, de la Ville de Nantes et du CHU de Nantes.

Le Professeur Moussa Koulibaly, Doyen de la Faculté mixte de médecine, pharmacie et odontostomatologie (FMPOS) de Conakry, mène avec son équipe un processus de changement se traduisant par la mise en place d’un plan d’action stratégique institutionnel dont les priorités ont été retenues lors d’une évaluation externe menée par une équipe de pairs francophones

Le Docteur Abdoulaye Sow est coordonnateur du projet associatif « Fraternité Médicale Guinée » ; fonctionnant depuis plusieurs années dans la banlieue de Conakry. Ce projet regroupe plusieurs dispensaires de soins comprenant des compétences complémentaires (médecins, sages-femmes, infirmières, laborantins). La compétence des professionnels de santé est reconnue à l’extérieur de Conakry par la population. Ce projet a été appuyé par la Coopération française et la coopération japonaise. L’Institut médical tropical (IMT) d’Anvers reste le partenaire privilégié du projet.

Contacts : Dr Alain Le Vigouroux alvbmw@yahoo.fr ; Dr Daniel Coutant : dcoutant@club-internet.fr